Accent

Bien protéger les enfants

Aucun enfant ne doit mourir dans un accident, telle est la vision zéro que poursuit le BPA. Élaborer des mesures de prévention encore plus ciblées implique néanmoins de savoir où et comment les accidents se produisent. Le BPA teste donc actuellement une nouvelle approche en collaboration avec la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW) et l’Hôpital pédiatrique de Zurich: utiliser l’intelligence artificielle pour analyser les informations sur l’accidentalité contenues dans les dossiers médicaux électroniques anonymisés afin d’améliorer les données disponibles. Delphine Meier, collaboratrice scientifique Recherche Habitat et sport, explique les bénéfices de cette nouvelle technologie.

Les accidents impliquant des enfants suscitent de fortes émotions. Il n’en va certainement pas différemment pour la maman que vous êtes.

Delphine Meier: Ce sujet me préoccupe effectivement beaucoup actuellement. On vient de retirer le plâtre de mon fils, qui s’était blessé en jouant dans la forêt. En tant que parents, nous avons une lourde responsabilité. Nous devons protéger nos enfants des dangers tout en leur donnant la possibilité d’expérimenter et de développer leur confiance en eux. Ce grand écart constitue un défi, car il n’y a pas deux situations ou enfants identiques.

En quoi votre approche change-t-elle lorsque vous endossez vos habits de chercheuse?

La vision zéro, c’est-à-dire éviter les accidents mortels chez les enfants, implique à mes yeux que nous connaissions et comprenions précisément l’accidentalité. C’est la seule manière de prendre les mesures de prévention adéquates. De la clarté et des règles adaptées facilitent la tâche des parents, qui peuvent alors se concentrer davantage sur la situation, les capacités et le tempérament de leurs enfants. 

Vous parlez ici de la base de ces informations, les données d’accidents? 

Lorsqu’un enfant se blesse à la maison, en jouant, en se déplaçant, à l’école ou en faisant du sport, les données dont nous disposons ne sont pas suffisantes. Le BPA avait déjà tenté, par le passé, de mettre en place un monitorage avec les hôpitaux et les pédiatres, sans succès à l’époque. Les dernières données datent d’il y a dix ans et d’une enquête menée par le BPA auprès de 15 000 ménages, qui est actuellement en cours de renouvellement. Mais cela ne remplace pas l’importance d’analyses et de relevés réguliers. Une étude de faisabilité menée par le BPA à cet effet a montré que l’intelligence artificielle (IA) est particulièrement prometteuse pour extraire les informations relatives aux accidents des dossiers hospitaliers de patients à des fins statistiques. 

L’intelligence artificielle ouvre donc de nouvelles possibilités?

Tout à fait. Sur la base des résultats de l’étude de faisabilité, nous avons lancé un projet pilote d’IA en collaboration avec la ZHAW et l’Hôpital pédiatrique de Zurich. La ZHAW développe actuellement un modèle d’apprentissage automatique qui lit la description de l’accident dans les dossiers médicaux anonymisés d’enfants traités aux urgences par l’hôpital pédiatrique de Zurich et en extrait les informations utiles pour la prévention des accidents. 

Comment cela fonctionne-t-il concrètement?

Un dossier de patient contient, entre autres, le texte personnalisé écrit par le médecin traitant. Le modèle d’apprentissage automatique lit ce texte afin d’identifier et d’extraire les informations relatives à l’accidentalité qui sont importantes pour la prévention des accidents. Il s’agit par exemple du lieu et du déroulement de l’accident ou du produit impliqué. 

Pourriez-vous donner un exemple concret?

Si le dossier du patient indique que l’enfant s’est étouffé avec un morceau de pain pendant le repas chez ses grands-parents, le modèle doit reconnaître le lieu de l’accident «chez les grands-parents» et le classer dans la catégorie «Habitat privé». «Pendant le repas» décrit l’activité au moment de l’accident et est classé dans la catégorie «Ingestion d’aliments», le «pain» est enregistré comme objet impliqué et le déroulement de l’accident «étouffement» comme «Obstruction des voies respiratoires due à un aliment». 

Il s’agit donc d’une sorte de programme de traduction?

Plus que cela. Le modèle doit apprendre à identifier les relations entre les différents éléments et à reconnaître que plusieurs termes peuvent signifier la même chose, par exemple «à la maison» et «chez moi». Cela correspond plus à l’apprentissage d’une nouvelle langue, à l’élargissement du vocabulaire et, surtout, au classement correct par la suite. Parfois, il n’y a pas un seul terme, mais une phrase entière. Un accident de football peut par exemple survenir dans un club, à l’école ou dans un jardin privé. Le texte ne contient peut-être pas les termes «club», «école» ou «jardin», mais le programme doit identifier l’élément correspondant dans ce contexte. 

Le processus d’apprentissage est-il surveillé par un être humain?

Cette tâche est assurée par l’équipe de projet de la ZHAW et ses partenaires. Le BPA s’occupe quant à lui de déterminer les catégories nécessaires. Des milliers de dossiers médicaux sont actuellement traités dans le cadre du projet pilote. Dans un premier temps, le modèle apprend à reconnaître et à classer les informations dans un échantillon de dossiers électroniques de patients en se basant sur la catégorisation humaine manuelle. Le degré de précision du modèle est ensuite testé dans un second échantillon. Pour ce faire, les résultats de l’IA sont comparés à ceux d’une catégorisation manuelle. 

Quelle est l’importance de ces partenariats?

Ils sont indispensables. La ZHAW possède l’expertise en matière de santé publique et d’apprentissage automatique. Elle travaille déjà avec différents hôpitaux et dispose d’un réseau dans le domaine de la santé des enfants et des adolescent·es. Pour développer ce modèle, l’hôpital pédiatrique de Zurich met à notre disposition 40 000 dossiers médicaux anonymisés d’accidents survenus entre 2018 et 2022 et nous apporte son expertise médicale.

Il s’agit donc d’un projet à long terme avec un objectif ambitieux? 

Le BPA recourt pour la première fois à l’IA pour améliorer les bases de données. Si la phase pilote livre les résultats escomptés, nous souhaitons lancer un monitorage des accidents d’enfants à partir des données d’autres hôpitaux pédiatriques en Suisse. Plusieurs questions passionnantes se poseraient alors. Nous aimerions par exemple mettre en place des partenariats avec les hôpitaux. Le modèle devra également être accompagné et formé pour le français et l’italien. 

Cela nous rapprochera-t-il de la vision zéro pour les accidents d’enfants?

J’ai beaucoup d’espoir que nous puissions, d’une part, obtenir des connaissances plus détaillées sur l’accidentalité suisse dans son ensemble et, d’autre part, éviter les accidents mortels grâce à une meilleure compréhension des accidents graves. Un enfant qui a failli se noyer arrive certes généralement à l’hôpital, mais les statistiques actuelles ne recensent que les rares cas ayant une issue fatale. Pour atteindre la vision zéro, il est essentiel de connaître les circonstances et les tendances des accidents presque mortels. Des informations sur les objets dangereux ingérés, tels que les piles bouton ou les aimants, seraient également très utiles. L’objet concerné est généralement mentionné dans le dossier du patient. Le modèle devrait pouvoir détecter particulièrement facilement ces types d’accident. Nous sous-estimons peut-être encore la prévalence de certains d’entre eux. Si nous connaissons les vrais dangers, nous pouvons développer des mesures de prévention appropriées. 

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